Projet du gouvernement de simplification administrative : pour DEGEST, c’est la casse annoncée des CSE des PME françaises

Profil sans photo

Le 14 février 2024, un rapport parlementaire préconisant la simplification administrative était remis au ministre de l’Économie. 14 propositions[1] étaient formulées par des parlementaires[2] pour « libérer des heures aux français », le gouvernement souhaitant proposer rapidement un projet de loi sur le sujet (avant l’été).

Parmi ces propositions, une a retenu toute notre attention[3] : le rehaussement des seuils pour la mise en place des Comités Sociaux et Économiques (CSE) de plein exercice, qui passerait de 50 à 250 salariés, ce qui reviendrait à les supprimer en dessous de ce seuil.

Les évolutions proposées par le rapport : relever d’un cran les seuils du CSE

 

·         de 0 à 49 salariés : pas de CSE (vs de 0 à 10 salariés aujourd’hui)

·         de 50 à 249 salariés : un CSE réduit à la fonction de délégation du personnel, sans personnalité juridique et sans BDESE (vs 11 à 49 salariés aujourd’hui) ;

·         250 salariés et plus : un CSE dit « renforcé » (vs 50 salariés et + aujourd’hui) ;

·         1000 salariés et plus : une BDESE « renforcée » (vs pas de notion de BDESE renforcée aujourd’hui).

 

Le constat posé par les parlementaires en introduction de leur rapport est : « trop de paperasseries et de démarches ». Il est étonnant que ce constat conduise à la suppression des CSE en dessous de 250 salariés : cela ne revient-il pas assimiler le CSE et la démocratie sociale dans les PME à « de la paperasserie » ?

Ce relèvement de seuil pour la création du CSE n’est pourtant pas anodin :

  • L’immense majorité des CSE en France sont au sein de PME de moins de 250 salariés : Selon l’INSEE[4], le tissu économique français (hors microentreprises) est composé à 95% de PME de moins de 250 salariés ; seules 4% des entreprises sont de tailles intermédiaires (de 250 à 5 000 salariés) et 1% appartiennent à des grands groupes.
  • 30% des salariés seraient alors privés de CSE ainsi que de toute activité sociale.

Cette réforme, si elle était entérinée, constituerait la 5ème réforme[5] d’ampleur de la représentation des salariés en 10 ans avec pour objectif affichée à chaque fois de « libérer les énergies » et de « créer de l’emploi ». Combien d’emplois ces réformes ont-elles créé véritablement : qui peut le dire, qui ne l’a jamais évalué ?

Une nouvelle fois la représentation du personnel est attaquée dans ses droits et prérogatives par pure idéologie alors que nombre de rapports mettent en avant les effets bénéfiques d’une représentation du personnel forte[6]. Le gouvernement lui-même, au travers du Conseil National de la Refondation qu’il a instauré, préconise pourtant de « renouveler la démocratie au travail en généralisant le dialogue professionnel sur la qualité et l’organisation du travail » et d’« organiser le dialogue social en proximité des situations de travail [en] permettant d’abaisser le seuil d’obligation d’installation d’une Commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT)[7] ».

La demande de plus de démocratie sociale et de participation aux décisions de l’entreprise est très forte. Pour DEGEST, ce projet s’il se concrétisait, serait un véritable recul social à rebours de la demande des salariés.

 

 

 

 

[1] Beaucoup de ces propositions sont similaires à celles du rapport de la CPME (le patronat des PME) paru le 15 janvier 2024 : « 80 propositions pour mettre fin à la complexité administrative ».

[2] Louis Marguerite, député renaissance de la 5ème circonscription de Saône et Loire ; Alexis Izard député Renaissance de la 3e circonscription de l’Essonne ; Philippe Bolo député Modem de la 7e circonscription de Maine-et-Loire ; Anne-Cécile Violland députée Horizons de la 5e circonscription de Haute-Savoie ; Nadège Havet sénatrice RDPI du Finistère.

[3] Dans nos prochaines analyses, nous reviendrons sur les autres dimensions du rapport.

[4] https://www.insee.fr/fr/statistiques/7681078

[5] 2013 : loi de sécurisation de l’emploi ; 2015 : loi relative au dialogue social et à l’emploi – dite Loi Rebsamen ; 2016 : loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels  – dite loi El Khomri ou loi Travail ; 2018 : ordonnances Macron regroupant les DP, le CHSCT et le CE dans une instance unique, le CSE.

[6] Voir le dossier d’Alternatives Economiques du 24 janvier 2024 : « Enquête sur les travers du management à la française ».

[7] Sophie Thiéry et Jean-Dominique Sénard, « Re-considérer le travail : rapport des garants des assises du travail au Ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion », Assises du Travail, Conseil National de la Refondation, 18 avril 2023.

DEGEST

E-mail